Environnement et Francophonie Marbella janvier 2009

En décembre je devais me rendre à Copenhague pour le sommet de l’ONU sur le climat, sommet dont vous avez pu suivre les péripéties puisque son échec, de fait, a été couvert par tous les médias du monde.

Informé des conclusions, prévisibles, qu’aucun responsable digne de ce nom ne pouvait ignorer, j’ai préféré rester auprès de ma famille !

Si « Copenhague » fut, certes, une étape importante dans la prise de conscience mondiale du devenir de notre Terre il n’en était pas moins promis à l’échec compte tenu de l’impossible équation qu’il avait à résoudre dont la principale inconnue, et non la moindre, était la Chine.

Comment cet état, qui considère ses paysans comme une menace politique et qui est si peu soucieux des Droits de l’Homme aujourd’hui, pouvait-il prendre conscience des menaces qui pèsent sur le devenir des Hommes, et sur leur droit fondamental à la vie, dans 20 ans…
Peut-on, par ailleurs, traiter les problèmes de façons identiques au Nord et au Sud lorsqu’on sait, par exemple, que le seul Etat du Texas rejette plus de CO2 qu’un milliard d’africains ?

Comment évoquer « écologiquement » une nécessaire décroissance, donc un accroissement des inégalités, dans un monde où la croissance chinoise est anarchiquement insolente (même si elle revêt les aspects d’une « bulle dubaïesque » à la puissance mille dont on feint d’ignorer les risques) et où celle de l’Afrique, essentielle pour son développement, ne fait que démarrer ?
Il est amusant d’ailleurs de constater que, partout dans le monde libre, ce sont d’anciens « mao » qui prêchent l’écologie alors que la Chine en est devenue le premier prédateur !

L’Afrique est, au contraire, un modèle, ironiquement désespéré, d’écologie…
Elle consomme peu d’énergie, peu de viande, peu d’eau (même si on lui demande de ne plus assécher ses nappes phréatiques)…
Et il faudrait, en plus, limiter sa croissance industrielle quasi inexistante !
Le malade pourra donc mourir, mais guéri !
Molière et Ubu sont, décidément, toujours d’actualité…

Déluge au Burkina Faso…
En septembre 2009, le Burkina Faso, et plus particulièrement sa capitale Ouagadougou, était noyée sous un déluge. Des tonnes d’eau se sont abattues sur la ville et sa région dévastant tout : habitations, barrages, installations sanitaires etc.
Plus de 150 000 sans-abri, soit environ 10 % de la population de la capitale burkinabé, des dizaines de morts.
Mais là, quelques lignes seulement dans la presse spécialisée, quelques images sur les télévisions occidentales.
Ce drame est passé quasiment inaperçu de l’opinion publique mondiale…

Et pourtant…c’est bien à cause de l’irresponsabilité du « Nord » que le « Sud » paie un lourd tribut de catastrophes dites naturelles…
L’Afrique, qui est à l’origine d’à peine 4% des émissions de gaz à effet de serre, principales responsables du réchauffement climatique, est le continent le plus touché par ce phénomène : désertification, dérèglements climatiques (inondations, sècheresse).
A Copenhague, l’Afrique a donc, légitimement réclamé le financement d’un Fonds par les pays riches pour s’adapter à tous ces bouleversements et « un accord juste et équitable ».
Les pays africains ont estimé avoir besoin de 44 milliards d’euros pour faire face aux nouveaux défis climatiques. Ils demandent un engagement pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre de tous les pays développés d’au moins 40% en 2020 par rapport au niveau de 1990.
Le continent souhaite, en outre, le transfert de technologies abordables, appropriées et adaptables pour l’Afrique.
C’est un fait, les habitants des pays riches consomment, gaspillent, détruisent des ressources naturelles qui ont mis des millions d’années à se créer et qui ne pourront jamais se régénérer au rythme d’une demande toujours croissante.

Les graves problèmes écologiques actuels montrent combien il est urgent d’agir.
A l’horizon 2050, nous serons 10 milliards de terriens !
Soit quatre milliards d’individus de plus qu’aujourd’hui qu’il faudra nourrir loger, chauffer, éclairer…

Au moment où je vous parle déjà près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, un milliard et demi n’ont pas l’eau potable et deux milliards n’ont pas l’électricité …

En 2050, si chaque habitant des pays en développement consomme autant d’énergie qu’un Japonais en consommait en 1973, la consommation mondiale d’énergie serait multipliée par quatre !

L’avenir de la planète, on le voit, est en jeu…
Et la seule question qui vaille est : comment faire prendre conscience à tous que nous sommes tous personnellement responsables ?
Cette responsabilité si conforme aux valeurs que nous défendons !

Comment concilier progrès et équilibre naturel de la planète ?
Comment répartir les richesses et surtout donner un minimum aux millions d’individus qui n’ont encore rien alors que la planète semble sur le point d’exploser ?
Enfin, comment améliorer la situation sans détruire définitivement nos dernières réserves et laisser une planète désolée à nos enfants ?

La réponse c’est bien sûr le développement durable, un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, et ceci à l’échelle mondiale bien évidemment.

Trois mondes, l’économie, l’écologie et le social doivent impérativement se réconcilier.

Il n’y aura pas de développement possible s’il n’est pas économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement tolérable.

Respectueux des ressources, efficace économiquement, équitable, ce développement durable suppose que nous ouvrions notre horizon d’actions pour prendre en compte le futur de nos enfants et le bien-être de tous dans les pays du Sud ou du Nord.

Le développement durable n’est pas une notion abstraite, il porte en lui un réel humanisme fait de notions nobles tels que la responsabilité, le partage, l’innovation, la générosité, toutes valeurs francophones !

Le développement durable ne doit toutefois pas être considéré, ni envisagé comme une régression, mais comme un progrès pour les hommes car si nous avons le droit d’utiliser les ressources de la Terre nous avons surtout le devoir de les garantir à ceux qui nous suivront

Nous vivons dans un monde complexe : les facteurs économiques, politiques, sociaux, culturels sont multiples, difficiles à conjuguer, délicats à encadrer, et s’enchevêtrant à souhait.
Phénomène bien connu du battement de l’aile d’un papillon…
Une mauvaise conjoncture politique ou économique ici provoque une immigration clandestine là-bas.
Une hausse des taux d’intérêts en Amérique provoque des déplacements de capitaux et des troubles sociaux en Asie…
Autant de phénomènes qui se répondent, par contact direct ou indirect, par engrenage, par mimétisme, par propagation, par amplification.
On décide ici et on subit là bas.

Les hommes n’ont, dans le fond, pas d’autres choix que la solidarité pour survivre dans des conditions de dignité.

Ceux qui se recroquevillent dans leur confort, prétextant que ce qui arrive au bout du monde ne les concerne pas, ceux-là se trompent lourdement !
Ceux qui font l’économie de l’autre dans leur définition de l’avenir, ceux-là se leurrent.

Les hommes sont solidaires parce qu’ils partagent la même planète, parce qu’ils produisent et consomment, parce qu’ils échangent, parce que l’économique rejoint le politique et l’écologique, parce qu’ils veulent la paix et un monde propre pour leurs enfants.

Les hommes sont condamnés à cette solidarité par un certain nombre de valeurs, dans lesquelles personnellement je crois et que nous sommes, j’en suis certain, nombreux à partager ici !

Ces valeurs transcendent les individualités et les nations, les cultures et les géographies, les richesses aussi, et unissent dans une seule et même communauté les hommes qui les animent.

Et tout cela n’est harmonieux que par la solidarité des valeurs qui passe par la rencontre et l’éducation.

Mais comme disait un sage indien : « Quand le dernier arbre aura été coupé, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été attrapé, seulement alors, l’Homme se rendra compte que l’argent ne se mange pas... »

Vous savez mon attachement à l’Afrique et particulièrement au Burkina Faso…
Je connais le vôtre, vous l’avez encore prouvé lors de votre Gala de septembre 2009 qui a contribué à panser de nombreuses plaies ouvertes par le déluge qui s’est abattu sur Ouagadougou la veille de notre réunion !

Au Burkina Faso l’état de calamité climatique est quasi permanent et, comme l’indiquait le Président Blaise Compaoré, le 31 mars 2009, devant le Conseil Régional du Limousin en France, « L’Afrique dont la responsabilité dans l’émission des gaz à effet de serre est limitée, demeure cependant la région la plus vulnérable aux changements climatiques, il nous faut aujourd’hui, pendant qu’il est encore temps, établir de nouvelles règles de relance de la croissance par des réponses politiques, économiques et culturelles suffisamment fortes et par la mise en œuvre de stratégies efficaces pour la sauvegarde de l’équilibre mondial ».

« Le Burkina Faso, a rappelé le Président du Faso, s’est résolument engagé dans cette optique en ratifiant la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques dès le 2 septembre 1993 »

Depuis la Conférence de Rio sur l’Environnement et le Développement le Burkina Faso a procédé à une révision de sa politique en matière d’environnement, et a été l’un des premiers pays francophones à se soumettre à un tel exercice.
Depuis, les activités en matière d’environnement et de développement sont périodiquement revues et le concept de l’écocitoyenneté, lancé en 2006 et qui s’appuie sur l’éducation environnementale, a induit une réelle prise de conscience au sein de la population, surtout chez les jeunes.

Le Burkina Faso fascine…par ses résultats !
Saviez-vous par exemple que grâce à tous ces efforts entrepris, bien avant que l’écologie ne soit une mode, voire un alibi, le Burkina Faso était devenu une des réserves d’espèces animales (éléphants en particulier) les plus importantes d’Afrique, en rapport avec sa population, et qu’il voisinait dans ce classement les pays de l’est et du sud de l’Afrique ?
Saviez-vous, mais tout est relatif en masses, que le Burkina Faso était le pays qui, toujours en rapport avec sa population et sa surface, avait construit le plus grand nombre de retenues d’eau artisanales et industrielles ?
En dépit de son exemplarité, le Burkina Faso n’en demeure pas moins fragile et vulnérable compte tenu de ses faibles revenus, et il a besoin de notre solidarité pour l’accompagner dans ses efforts.

Pour conclure, il est urgent d’intensifier la réflexion sur les enjeux de la dégradation de l’environnement dans un monde qui doit surtout produire et consommer l’énergie de façon responsable.
Il importe de garder présent à l’esprit notre responsabilité historique de sauver la vie sur terre par une croissance propre et durable pour le mieux-être des générations actuelles et futures.

Et, pour tout comprendre, lisons ou relisons l’américain René Dubos et particulièrement ses ouvrages « Courtisons la terre » et « Les Dieux de l’écologie »
Il nous y donne une leçon et un espoir…que devraient apprendre par cœur tous les êtres humains :
« Ni la richesse ni le savoir ne permettent de lutter efficacement contre les excès humains… »
et
« Il n’existe pas de problèmes dans la nature, mais seulement des solutions car l’état naturel est un état adaptatif donnant naissance à un système cohérent... »
Si le tableau de la situation environnemental est sombre, si la situation est grave, il ne faut toutefois pas perdre espoir !

Certes l’optimisme n’est pas de rigueur…

Mais, s’agissant d’environnement, soyons prudent, très prudent car, comme l’écrivait Roger Molinier, trop savamment utilisé, trop intelligemment cultivé, le réflexe de la peur peut engendrer des réactions d’indifférence, de renoncement, de pessimisme et... de nihilisme !

Pour conclure, quelques réflexions d’actualité…

Entre les célébrations « égocentriques » du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin, et celles, qui ne le sont pas moins, de Copenhague, en passant par l’ambiguïté du débat sur l’identité nationale et par « la main » de Thierry Henri, il nous faut admettre que les valeurs que véhicule notre langue ont été bien mal menées depuis quelques temps !

LIBERTE :

Si on ne peut que se réjouir de la chute d’un mur qui divisait, idéologiquement et physiquement l’Europe, et qui « justifiait » l’équilibre de la terreur et les sanglants conflits entre l’Est et l’Ouest, on peut, tout aussi légitimement, s’interroger sur le lourd et égoïste silence des dirigeants occidentaux qui n’ont pas profité de l’occasion de cette cérémonie pour dénoncer, vigoureusement, la vingtaine de murs qui ont été érigés depuis la chute du « nôtre » et exiger, ne fut-ce que symboliquement, leurs destructions !
A commencer par celui qui balafre et bâillonne la Palestine et qui est, à la fois, l’origine et l’alibi de la plupart des terrorismes qui menacent le monde et des guerres qui l’ensanglantent.
Les murs, dit-on, ont des oreilles…
Ils semblent bien être les seuls à avoir entendu, ce 9 novembre 2009, les cris de désespoir de celles et ceux qu’ils entourent !

EGALITE :
« Copenhague » nous a démontré que l’inégalité était fatalement source d’échec…comme je l’évoquais au début de mon intervention !

FRATERNITE :
Difficile de ne pas évoquer devant vous aujourd’hui le débat sur l’« Identité Nationale » qui pollue les esprits d’une des mères de la francophonie, la France ?
On considère souvent comme un procès d’intention ce qui n’est souvent qu’une simple interrogation…
Nous nous interrogeons donc sur l’utilité de prendre le risque de dangereux dérapages et faire appel, même sans le vouloir, aux instincts les plus bas qui sommeillent en chacun de nous et qui sont si peu conformes aux valeurs de la Francophonie ?
Ne faisons pas aux autres ce que nous leur reprochons, ne nous « voilons pas la face » !
Lier Identité Nationale et immigration, qu’on le veuille ou non, est synonyme de ségrégation ! Un tel débat placé sous l’égide de la culture, de la famille ou de l’éducation par exemple, n’aurait probablement pas suscité les mêmes polémiques.
L’identité nationale c’est à la fois une communauté de destin, de culture et de valeurs !
Notre langue commune, à elle seule, pour peu qu’elle soit respectée, à commencer par ses principaux locuteurs que nous sommes, est le véhicule de ces valeurs et de cette culture.
Quant à la communauté de destin elle fut définie par le Général de Gaulle comme la pierre angulaire de l’indépendance et de la coopération.

JUSTICE :

Toujours en Gaule « La main » de Thierry Henri, qui a donné « un coup de pouce » à l’équipe de France pour sa sélection au Mondial de football en Afrique du Sud, et le « pas vraiment vu - pas pris » qui a dispensé son équipe et lui-même de toutes sanctions, illustrent bien l’état de délabrement moral de la patrie du Droit et des « Lumières » !
Ce grave incident, après tant d’autres survenus dans un des sports les plus populaires auprès des jeunes générations, illustre, tristement, sa faillite dans le domaine de l’exemplarité dont il devrait être un vecteur et un des acteurs !
Si on ajoute à cela le retour tonitruant (en un seul mot), sur la scène footballistique, d’hommes qui ont quasi institutionnalisé la corruption et la prévarication au sein de ce sport, on peut se dire que les petits délinquants de tous horizons doivent se considérer, légitimement et au regard des sommes en jeu, comme d’angéliques et innocents bricoleurs !

IDENTITE FRANCOPHONE :

Face aux constantes et pernicieuses remises en cause de ces valeurs que sont la Liberté, l’Egalité, la Fraternité et la Justice, le seul débat qui vaille pour tous les humanistes doit être celui de l’identité francophone…celle qui intègre, qui promeut, qui défend, qui solidarise, qui libère !